Témoignage de Valérie Paillard, résidente à Naples et présidente de l’AFNIS, Association de Bienfaisance qui vient en aide aux Français du sud de l’Italie:

 

J’habite  derrière le Pausilippe, dans le quartier populaire de Bagnoli à Naples.  Il faut savoir qu’avant cette épidémie, de nombreux pères de famille vivaient à la journée. C’est-à-dire qu’ils se débrouillaient pour faire des petits boulots non déclarés qui leur permettaient de nourrir leur famille.  A  cause du confinement, ils n’ont plus d’entrée d’argent et ne peuvent pas bénéficier du chômage technique…

 

L’agressivité a alors commencé à s’installer dans la ville : des supermarchés cambriolés, des sacs de courses volées….

 

Alors les Napolitains, qui ont, comme toujours des idées géniales pour trouver des solutions aux problèmes, ont suspendu au dessous de leurs balcons des paniers en osier sur lesquels était écrit :  « Chi può metta, chi non può prenda” ( Qui peut met, qui ne peut pas prend ). Des habitants  y déposent donc des produits alimentaires et les plus démunis se servent dans ces mêmes paniers. .. et tout cela se fait dans la plus grande discrétion. Je vis ici depuis plus de trente ans mais je ne cesse d’être étonnée par l’humanité des Napolitains même dans les moments difficiles. 

 

Il y a toujours eu ici la tradition du café « sospeso » c’est-à-dire un café payé par les clients pour ceux qui ne peuvent pas se le permettre. Eh bien, désormais des habitants laissent la “spesa sospesa “ ( «  les courses suspendues «  ) c’est-à-dire qu’ils laissent des légumes, des fruits, de la viande payés chez les commerçants pour ceux qui en ont besoin. Vous ne trouvez pas cette initiative formidable ?

 

Mario et Matteo, 20ans, deux  amis de mon fils ont mis en place une campagne «  CrowdFunding »   afin d’aider eux aussi à la lutte contre ce virus. Les fonds reçus sont  pour l’hôpital  Santa Maria delle Grazie de Pozzuoli et servent à munir les médecins et les infirmières de gants et masques pour les protéger du Covid 19. Leur message : Chez soi, Unis, nous pouvons y arriver ! Cela ne sert à rien de polémiquer,  il faut agir ! Leur cagnotte est arrivée à plus de 10.000. Euros .

 

La solidarité  est émouvante, elle tisse des liens entre les personnes malgré le confinement. Devant cette grave crise sanitaire économique et sociale, nous devons serrer les dents certes, mais la solidarité aide à surmonter nos peurs, nos inquiétudes, nous disent Mario et Matteo.  

 

Giancarlo Madonna, avocat, napolitain  typique apparaît sur le web tous les midis et soirs pour répondre aux questions des citadins. Il coordonne avec son ami Ciro Petruccio, propriétaire d’une supérette et des professionnels (avocats, médecins, entrepreneurs) des soutiens alimentaires, juridiques et sociaux. Tous ensemble, solidaires, ils défendent les droits des personnes nécessiteuses, les informent sur les procédures à suivre pour bénéficier des aides du gouvernement et surtout défendent leurs droits.  Hier, ils ont réussi à distribuer 90 sacs de courses .

Tous ceci bien évidemment avec le sourire, la sympathie et même en musique !

 

Il y a quelques jours, le gouvernement italien a enfin envoyé des aides financières sous forme de cartes  de paiement qui permettront aux familles de régler leur courses dans les magasins afin qu’elles puissent se nourrir normalement. 300 € par famille par mois et 20€ supplémentaires  par semaine par enfant moins d’un an . A Naples, il y a 80 000 demandes et 6,5 millions d’euros vont être distribués en paniers alimentaires.  

 

L’épidémie, ici, n’est malheureusement pas terminée. Aujourd’hui nous comptons 2067 personnes contaminées et 165 sont décédées. Ce matin, des tests de dépistage rapide ont été mis en place pour le personnel de santé et certains patients, mais ils restent encore insuffisants. Les journalistes annoncent que pour début mai nous devrions arriver à stopper les contagions sur la Campanie. Restons positifs !

 

En attendant la fin du confinement, nous ici, à Naples,  dans la même rue , d’une fenêtre à une autre, nous jouons « tous ensemble «  à la tombola !

 

Valérie Paillard, Naples, 2 avril 2020